N’importons pas une agriculture que nous ne voulons pas !
EGA : Pour la revalorisation des prix agricoles, rien n’est si sûr…
Alors que le projet de loi Agriculture et Alimentation a été adopté la semaine dernière en première lecture par les députés, sur le terrain, l’heure est à l’incompréhension. Certes, ce projet instaure un nouveau code de la route plus favorable à une négociation des prix qui tienne compte des coûts de production des agriculteurs. Mais au final, il repose sur un double pari : que les distributeurs d'abord, les industriels ensuite, acceptent sans y être contraints, de diminuer leurs profits pour augmenter le revenu agricole… Rien n'est moins sûr. Alors avant qu’un début de revalorisation des prix soit perceptible par les paysans, de l’eau aura coulé sous les ponts.
Et pendant que les députés votent la loi Agriculture et Alimentation, le gouvernement négocie des traités de commerce débridés, créant une concurrence totalement déloyale pour les agriculteurs français et ce, en incohérence complète avec les attentes des consommateurs français qui exigent des productions alimentaires de qualité. L'huile de palme a été la goutte d’eau en trop après la mise en œuvre du Ceta et les discussions sur le Mercosur : 165.000 tonnes de viande bovine, 95.000 tonnes de viande porcine,… seraient introduites dans le marché commun avec des distorsions sanitaires, sociales et environnementales inaceptables. Au Canada, aux Etats Unis et dans les pays d’Amérique du Sud, les élevages intensifs hors-sol dits en « feed-lots » sont courants alors que le système de production français est davantage basé sur des systèmes d'élevages familiaux, généralement herbagers, strictement réglementés sur le plan sanitaire et en matière de traçabilité des animaux. Le rapport de la commission Schubert sur les impacts du CETA répertorie des activateurs de croissance et des produits phytosanitaires (46 molécules) interdits dans l’UE mais autorisés dans les produits exportés vers l’UE comme par exemple l’atrazine interdite dans l’Union Européenne depuis le début des années 2000. On demande aux agriculteurs français de garantir une alimentation saine, sûre, durable et accessible à tous, et dans le même temps, le Gouvernement laisse entrer sur notre territoire, sans contrôle, des produits qui ne respectent pas nos exigences sociales, environnementales et sanitaires.
Nous ne pouvons pas accepter des importations agricoles et alimentaires qui ne respectent pas nos standards de production. La France doit protéger ses paysans et son agriculture.
Et pendant que les députés votent la loi Agriculture et Alimentation, le gouvernement, augmente inéxorablement les taxes sur le gazoil. De 675 € en juillet 2017, le coût du « gazoil non routier » est passé à 990 € ce mois-ci. Pour une exploitation moyenne, c’est 4 500 € par an de surcoût, soit quasiment la moitié du salaire de l’éleveur.
Et pendant que les députés votent la loi Agriculture et Alimentation, l’Europe semble abandonner toute ambition pour sa politique agricole COMMUNE.
Début mai, lors de sa proposition de cadre financier, la commission avait annoncé une baisse de 5 % de budget en « monnaie courante ». C’est-à-dire sans compter l’inflation. Sur la période 2021-2027, le budget de la PAC pourrait être ainsi amputé de 10 à 15 % en valeur réelle pour le premier pilier, et de 25 % pour le second pilier, celui qui concerne l’ICHN (l’Indemnitée Compensatoire de Handicaps Naturels). Le budget annoncé pour l’Agriculture tient compte d’une part de la perte de la contribution du Royaume-Uni, et d’autre part, des nouvelles politiques communes souhaitées par l’Europe sur l’immigration, la sécurité et la défense. Ces politiques nouvelles seraient financées sans augmentation réelle des contributions des Etats, et donc au détriment des politiques historiques et notamment de la PAC.
Vendredi dernier, la Commission européenne a rendu publique ses propositions législatives sur la future PAC, c’est-à-dire sur son fonctionnement et l’attribution des soutiens. Faute d’avoir réussi à trouver un consensus parmi les Etats membres, la Commission a choisi la solution du plus petit dénominateur commun, renvoyant à chacun la responsabilité de mesures potentiellement impopulaires. Le principal aspect du projet de réforme porte sur la modification de la gouvernance de la PAC. La Commission européenne souhaite confier à chacun des Etats membres la responsabilité d’établir « un plan stratégique national agricole ». Bruxelles part du principe que chaque pays a ses propres contraintes et spécificités et que laisser la flexibilité à chacun de choisir son modèle sera un gage d’efficacité. Pour nous, c’est un mauvais pari. A partir du moment où les conditions d’attribution des aides ne sont plus uniformisées, le modèle agricole européen risque de se disloquer, tandis que les situations de dumping social ou environnemental pourraient bien se multiplier. Cette « renationalisation » de l’un des piliers de la construction européenne prend des allures de renoncement. Sur des sujets aussi cruciaux que le réchauffement climatique ou les enjeux de santé et d’alimentation, on avait besoin d’une vision européenne, qui soit plus que l’addition de spécificités nationales. La PAC est en passe de perdre son C. C’est une mauvaise nouvelle pour l’agriculture européenne.
N’importons pas une agriculture que nous ne voulons pas !
Aujourd’hui, nous demandons que soit réintroduit dans la loi Alimentation, examinée la semaine prochaine par le Sénat, un amendement sur l'interdiction d'importer toute denrée produite en utilisant des substances phytosanitaires interdites dans l'Union européenne, même à doses résiduelles.
Ensemble, agriculteurs et consommateurs, refusons ce jeu de dupe dans lequel nous sommes tous trompés ! L’occasion de dire, une bonne fois pour toutes : choisissons l’agriculture française et donnons-lui toutes ses chances de continuer à progresser.