Voir clair dans la colère jaune
Dominique Fayel, éleveur de vaches allaitantes à Sénergues. Trésorier de la FDSEA de l'Aveyron, administrateur FNSEA et membre du groupe Montagne à la Commission Européenne.
L’augmentation des taxes sur les carburants a enflammé le pays. Les débats sur notre dépendance à l’énergie ne datent pourtant pas d’hier : le premier choc pétrolier était en 1973... La relation entre énergie, climat et environnement est plus récente. Et au delà des réponses spécifiques à l’enjeu énergie/climat, une autre question sous-tend cette crise : comment gère-t-on les changements ?
Travail, logement, consommation, loisirs... tout ce qui touche au mode et à notre niveau de vie, à nous tous, est directement lié à la disponibilité et au prix de l’énergie. Si personne n’ignore qu’il s’agit de sujets sensibles, comment a-t-on pu arriver à la crise actuelle ?
Le premier constat est l’échec d’une méthode verticale, technocratique, contraignante, sans intermédiaires, sans écoute des acteurs sur le terrain. On retrouve ce mode de prise de décision dans trop de domaines, et l’agriculture n’a malheureusement pas été épargnée.
Le deuxième constat est que l’environnement et le climat ont pris une place centrale dans les enjeux de société. Et globalement la finalité d’un environnement mieux préservé n’est pas contestée.
Mais la sacralisation de la cause en nouvelle foi, le discours messianique « c’est bon pour la planète », ne laissent plus de place à la discussion et un nouveau « clergé » rejette dans les flammes de l’enfer du réchauffement climatique tout « mécréant » qui exprime des réserves, ne serait-ce que sur la méthode pour conduire les changements nécessaires.
L’écologie est à la croisée des chemins. Pour répondre aux enjeux écologiques, nos sociétés peuvent choisir, soit la voie de l’obscurantisme autoritaire au nom de l’efficacité face à « l’urgence climatique », soit la voie plus exigeante du débat contradictoire et démocratique, moins rapide dans le processus de décision mais qui associe plus largement.
Une élite bourgeoise urbaine qui croit détenir la Vérité a visiblement choisi la première. La plus large part de la population exige la seconde.
Le tumulte du moment avec ses aspects les plus détestables, les violences, les dégradations, l’opportunisme et le cynisme politique, appelle à voir plus haut. Les dirigeants ne pourront attendre plus de cohérence de la part de la population que s’ils en font preuve eux mêmes. Face à des sujets complexes, pour lesquels personne ne détient LA solution, mais où chacun peut contribuer pour SA part de solution, il est illusoire de vouloir imposer le progrès. Il se construira en décongestionnant la prise de décision, par moins de centralisme, en associant davantage, par un dialogue respectueux, exigeant et responsable.
Dominique Fayel